- NIL DE LA SORA
- NIL DE LA SORANIL DE LA SORA saint (1433-1508)Moine orthodoxe que l’hagiographie russe appelle le Grand Starets. Nil de la Sora fut le témoin de la pauvreté et de la liberté évangéliques, d’un christianisme de transfiguration, au moment où la Russie, au seuil des Temps modernes, s’immobilisait dans une sorte de totalitarisme sacral.Les biographies de saint Nil Sorski ayant été brûlées lors d’une incursion des Tartares, en 1583, on ne possède pas de repères chronologiques précis, même pour les grandes étapes de sa vie. D’origine sociale inconnue, Nil est sans doute devenu moine très jeune au monastère de Beloozero (lac Blanc), en Russie du Nord, fondé sous l’influence de saint Serge et resté fidèle à la stricte observance au milieu du relâchement général. Il apprend alors le grec et s’adonne au travail intellectuel dans la bibliothèque du monastère, l’une des plus riches de Russie.C’est à la fois pour approfondir ses connaissances et pour aller aux sources de la spiritualité orthodoxe qu’il séjourne longuement à l’Athos. Le mont Athos, où règne la synthèse palamite, apparaît alors comme un grand centre spirituel, culturel et missionnaire qui met l’intelligence déjà moderne de l’humanisme au service d’une tradition renouvelée.De l’Athos, Nil ramène en Russie une profonde connaissance des Pères grecs et des théologiens byzantins, une initiation précise à la méthode hésychaste, la formule souple du «skite» — petit groupe de disciples librement rassemblés autour d’un maître spirituel; il y a acquis aussi le sens de l’universalité orthodoxe dans la fidélité à Constantinople, contre l’isolationnisme orgueilleux qui tente la Russie. Il s’établit bientôt en plein désert forestier, sur les rives marécageuses de la Sora (à laquelle il doit son surnom: Nil Sorski). Un «skite» s’organise autour de lui, qui ne tarde pas à essaimer dans le vaste mouvement des hésychastes d’outre-Volga (nestja face="EU Caron" ゼateli ).La spiritualité de Nil nous est connue par dix Lettres et une Règle de la vie monastique , qui est, en réalité, un véritable traité ascétique et mystique. L’accent en est essentiellement évangélique: il faut se laisser instruire par le Christ lui-même, en sondant inlassablement les Écritures; les moines doivent vivre pauvrement du travail de leurs mains, un travail «servile»; l’ascèse n’a aucune valeur en soi, elle est uniquement un moyen de pacification et de transparence — Nil aime citer à ce propos la parole du Christ selon laquelle ce n’est pas ce qui entre par la bouche qui souille l’homme mais «ce qui sort de la bouche, venant du cœur» (Matthieu, XV, 18) et il demande «qu’on se préoccupe de la nourriture de l’âme plutôt que du jeûne». Il convient, pour Nil, que l’obéissance soit libre et mesurée: tous sont «des frères et non des disciples», car «un seul est notre maître, Jésus-Christ». La prière «méthodique» elle-même n’a d’autres sens que d’ouvrir l’homme à la présence du Christ, et donc du prochain. Par ailleurs, tout en insistant sur le travail des mains, Nil tient en haute estime l’activité intellectuelle et l’esprit critique: «Sans l’intelligence, le bien même peut devenir un mal.» Il demande un libre examen des Écritures: «Tout ce qui est écrit n’est pas divin. C’est pourquoi, en lisant, il faut éprouver ce qu’on lit.» Non, il est vrai, selon la subjectivité individuelle, mais dans l’esprit de la Tradition. Nil préconise le même esprit critique dans l’étude des vies de saints: il compare les manuscrits, établit les corrections indispensables.Toute la spiritualité de Nil s’oppose à celle de Joseph de Volokolamsk. Le conflit des deux hommes, qui devient celui de deux mouvements, celui des hésychastes d’outre-Volga et celui des «joséphiens» (josifljane ), domine l’histoire de la Russie dans la première moitié du XVIe siècle. Nil se dresse contre les propriétés monastiques que défend Joseph. Il conçoit la vie des moines comme un levain secret, Joseph comme une puissante organisation de service social: Joseph demande qu’on brûle les hérétiques, Nil qu’on prie pour eux. Au XVIe siècle, les «joséphiens» l’ont emporté. Joseph de Volokolamsk a été canonisé trois fois, tandis que le nom de Nil ne devait être inscrit au calendrier ecclésiastique qu’en 1903.
Encyclopédie Universelle. 2012.